Conférenciers invités > Si : Jean-Luc Delpeuch et Loïc Muzy

Session introductive

Engagement des acteurs territoriaux
dans la valorisation de la ressource locale et l'économie circulaire


Jean-Luc Delpeuch1


Loïc Muzy
2

 1Président de la Communauté de Communes du Clunisois, Cluny, Région Bourgogne-Franche-Comté
2Responsable « Charte forestière » dans les services de la Communauté de Communes du Clunisois

jean-luc@delpeuch.eu

 

Mots clefs : Filière forêt-bois ; territorialisation ; écologisation ; innovation, transition

Résumé :

La Communauté de Communes du Clunisois, collectivité en milieu rural, mobilise ses acteurs économiques, sociaux et associatifs autour de la valorisation de son domaine forestier de 12 000 ha, dont 4000 ha de forêts communales. Parmi les priorités du projet de territoire en Clunisois, figure la création d’une filière locale de fabrication de matériaux de construction, à partir des bois de qualité secondaire, notamment feuillus. L’étude technico-économique de mise au point de matériaux de construction, confiée par la Communauté de Communes au Laboratoire Bois du Campus Arts et Métiers de Cluny, permet d’envisager des perspectives prometteuses. L’objectif est d’inscrire le territoire dans une dynamique vertueuse d’économie circulaire, créatrice d’emplois locaux, contribuant à la lutte contre le changement climatique, respectueuse de la biodiversité extraordinaire du territoire et de ses paysages. Cette démarche conjointe entre une collectivité territoriale et un campus d’enseignement supérieur et de recherche est emblématique des potentialités d’innovation territoriale que représente la coopération entre élus, services et chercheurs.

 

Context :

La Communauté de Communes du Clunisois (CCC) est un territoire de 14 000 habitants, qui regroupe 42 communes autour de Cluny (5 000 h). La population moyenne des communes hors Cluny est de 200 habitants. La densité démographique est de 31 habitants par km², soit le quart de la densité moyenne en France. On est donc dans un territoire authentiquement rural.

Sur les 448 km² que couvre la communauté, 120 km² sont couverts de forêts, soit près du tiers de la superficie totale. La propriété forestière est à 55 % propriété privée et à 45 % propriété publique (35 % communale et 10 % domaniale (État)). Cette proportion de propriété forestière communale est deux fois supérieure à la moyenne nationale (15 %).

Le projet de territoire de la Communauté de Communes du Clunisois est centrée sur :

 

  • le développement de l’économie circulaire : la communauté anime un pôle territorial de coopération économique, autour de la valorisation des ressources locales, la réutilisation et le recyclage,
  • l’emploi local : la CCC est acteur du programme « Zéro chômeur de longue durée »,
  • la lutte contre le changement climatique : la CCC est engagé dans un projet de Territoire à énergie positive,
  • la préservation de la biodiversité : la CCC anime l’espace Natura 2000 de la Vallée de la Grosne, qui dispose d’une biodiversité extraordinaire,
  • en liaison avec le campus Arts et Métiers de Cluny et le Collège européen de l’innovation territoriale (en cours de lancement sur le campus de Cluny avec l’Assemblée des Régions d’Europe), la Communauté de Communes du Clunisois est engagée dans une dynamique d’innovation territoriale ; elle a été préfiguratrice du programme « 1000 doctorants pour les territoires », animée par HESAM Université, l’Université fédérale dont l’Ecole d’Arts et Métiers est membre fondateur au niveau national.

 

La responsabilité des communes étant importante dans la gestion de la forêt, et cette thématique étant au croisement des axes prioritaires de son projet de territoire, la CCC s’est engagée dès 2012 dans l’élaboration d’une Charte forestière de territoire.

Cette dynamique a fédéré de nombreux acteurs :

 

  • élus et services des collectivités territoriales,
  • ONF,
  • propriétaires forestiers et Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF),
  • acteurs économiques et sociaux,
  • association environnementales,
  • chercheurs,
  • entreprises de la filière bois,
  • etc.

 

Le cadre d’action constitué défini par la Charte a été adopté en 2013, il sert dorénavant de référence pour la politique forestière de la Communauté de Communes. La CCC a embauché un technicien forestier qui anime la mise en œuvre de la Charte, sous l’autorité du vice-président en charge de l’agriculture, de la forêt et de l’environnement.

Parmi les actions prioritaires de la Charte, figurent :

 

  • la dynamisation de la sylviculture,
  • la formation des élus et autres acteurs de la filière à sa valorisation dans le respect des différentes vocations de la forêt,
  • l’amélioration de la desserte des massifs forestiers,
  • la restructuration de la propriété forestière privée (biens sans maîtres, bourse foncière etc.),
  • la promotion des techniques sylvicoles et d’exploitation respectueuses de la préservation de la ressource et de l’environnement (futaie irrégulière, débardage à cheval, etc.),
  • la promotion d’actions de protection de la faune et de la flore, dans le cadre du document d’objectif de Natura 2000 (acquisition et mise à disposition de kits de franchissement des ruisseaux lors de travaux forestiers),
  • des actions de développement de filières locales de valorisation de la ressource bois, notamment pour l’utilisation en matériaux de construction.

 

Sur ce dernier point, la CCC est entrée, en 2017, en partenariat avec le Laboratoire Bois du Campus Arts et Métiers de Cluny, et la filiale AMValor, pour la réalisation d’une étude portant sur la valorisation de la ressource en feuillus de qualité secondaire pour la production de matériaux de construction en bois.

Cette étude d’un an est en cours d’achèvement.

A partir de billons de chêne de diamètre de 25 à 50 cm, prélevés dans les forêts communales, le Labo Bois a réalisé des plaques de LVL avec des plis de différentes épaisseurs, qui ont été délignées en carrelets.

L’étude a consisté à optimiser la technique de production de ce matériau, a en tester les caractéristiques mécaniques et à en étudier l’industrialisation, notamment en vue de la fabrication d’huisseries.

Sur le territoire du Clunisois, il existe une tradition de transformation du bois local en menuiseries et huisseries (la Menuiserie industrielle Pardon, devenue GIMM, devenue OXXO, actuellement propriété du groupe algérien CEVITAL est un des premiers employeurs du territoire (environ 300 salariés). Les huisseries, qui étaient à l’origine produites en bois local, ont ensuite eu recours aux bois exotiques, puis au PVC.

Un des buts de l’étude est d’étudier la possibilité de revenir à une ressource locale, économiquement abordable et techniquement pertinente, en prélevant la matière première sur des bois de qualité secondaire (bois d’éclaircie en particulier), qui auraient eu vocation à être utilisés en simple bois de chauffage.

Les premiers résultats de l’étude montrent que :

  • le matériau qui a été mis au point à partir du chêne de qualité secondaire présente de très intéressantes caractéristiques mécaniques et esthétiques,
  • qu’il est possible d’usiner et d’assembler les carrelets produits pour en faire des menuiseries dans de bonnes conditions,
  • qu’il est possible de valoriser ainsi 20 à 25 % de la matière tirée des billons étudiés, ayant vocation, à défaut de ce type de valorisation innovante, à n’être utilisés qu’en production de plaquette forestière ou affouages.

A partir de cette première phase de l’étude, il devient possible d’aller plus avant dans la prise en compte économique de ce type de valorisation, en liaison avec des entreprises intéressées par la production locale des matériaux de construction et leur transformation.

Cette nouvelle phase de l’étude associera également l’équipe de recherche CESAER (Centre d’Economie et de Sociologie appliquées à l’Agriculture et aux Espaces Ruraux) d’Agrosup Dijon, spécialisée sur la valorisation des ressources locales.

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